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Saïd Houssene Abdourraquib (de droite vers la gauche) avec les Comores aux JIOI 1979

Mémoires des Cœlacanthes

Saïd Houssene Abdourraquib : « Il est temps qu’on se retrouve »

Pour ce premier article de la rubrique « Mémoires des Cœlacanthes », Comoros Football 269 a eu l’honneur de s’entretenir avec Saïd Houssene Abdourraquib (60 ans). Un des responsables du département de la Jeunesse et Sports de la ville de Mamoudzou et dirigeant du FC Mtsapéré (FCM).

Ancien joueur du FCM, du Rapide Club de Moroni entre autres et aussi un des premiers joueurs de l’histoire de l’Equipe nationale des Comores. De cette rubrique « Mémoires des Cœlacanthes », nous irons à la rencontre d’anciens internationaux comoriens pour parler du football de leurs époques et avoir leurs opinions sur le football actuel des Comores.

L’interview avec Saïd Houssene Abdourraquib par Boina Houssamdine

Ayant évolué en tant que footballeur dans les années 70, 80 et 90, vous avez était témoin et aussi acteur de la première sélection des Comores. Pouvez-vous nous parler du niveau du football de cette époque dans l’ensemble de l’archipel et comment vous-vous êtes retrouvez en équipe nationale en 1979 ?

Le niveau était presque le même entre les îles. Le football prenait une nouvelle dimension et se comportait bien à Mayotte où j’ai fait mes premières classes comme dans l’ensemble de l’archipel. La preuve en est que début 1979 précisément, avec le FC Mtsapéré, on avait fait une tournée à Ngazidja avec quelques matchs et franchement, il n’y avait pas de différence de niveau.

Cette même année je suis venu avec des amis m’installer à Moroni. On évoluait sous les couleurs du Rapide Club. Mais à cette époque, la majeure partie des joueurs mahorais présents à Ngazidja évoluaient au Papillon Bleu. J’ai eu par la suite la chance d’être retenu dans la sélection pour les Jeux des îles de l’Océan indien (JIOI).

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L’avènement des JIOI 1979 a accéléré le processus de création de la fédération

Saïd Houssene Abdourraquib, ancien international comorien

Justement, la Fédération Comorienne de Football (ancienne appellation) fut créée cette même année à quelques mois des JIOI 1979. Y avait-il déjà un projet de création d’une fédération ou c’est juste venu avec l’avènement des jeux ?

Je pense qu’il y avait déjà l’idée d’harmoniser le football avec la création d’une fédération. Il y avait aussi le souhait de participer à des compétitions internationales. Mais l’avènement des JIOI a accéléré le processus. Certes, les conditions n’étaient pas optimales à cette époque. Il y avait beaucoup à faire. Mais il était nécessaire d’avoir une fédération. Et quand on voit l’état actuel des choses avec plus d’infrastructures dans le pays, on peut dire qu’il y a eu une grande évolution. Parfois on a du mal à imaginer qu’il y a trois décennies il n’y avait pas tout cela.

Comment était constituée cette première sélection de l’histoire et la préparation pour les Jeux des îles ?

Le modèle qui a été utilisé pour cette première sélection était pour moi le meilleur. L’ensemble des quatre îles étaient représentées. Il y avait dans chaque île un responsable qui désignait les meilleurs joueurs de l’île qui devaient faire partie de l’équipe nationale. Comme j’évoluais à Moroni, on m’a comptabilisé dans la liste des joueurs de Ngazidja. Une liste de présélectionnés a été par la suite établie et on est entrée en internat au Collège de Mitsamiouli, à un mois du début des Jeux. Au départ on avait un entraîneur français mais il est parti. On nous a envoyé par la suite monsieur Ganguet, un réunionnais. C’est avec lui qu’on a terminé la préparation puis voyager ensemble à La Réunion. Mais une fois sur place, c’était un entraîneur comorien qui avait pris les rênes.

La Réunion avait un niveau de football très avancé

Ce changement de sélectionneurs ne vous a pas perturbé ? Que fut aussi l’accueil et l’organisation une fois à la Réunion ?

Dans le football de l’époque, on ne mesurait pas à quel point le changement brusque d’un coach peut avoir un effet sur le jeu. Entre joueurs, on ne voyait pas trop la différence. C’est aujourd’hui avec le football moderne qu’on aperçoit l’impact. Concernant l’accueil et l’hébergement, tout était bien. Nous étions logés au Lycée Butor, à Saint-Denis. On avait un bloc spécialement pour nous. C’était une réussite côté organisation.

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Quels étaient les niveaux des équipes de la région Océan Indien à cette époque ?

Saïd Houssene Abdourraquib (2è de droite vers la gauche) avec les Comores aux JIOI 1979

Il n’y avait pas un très grand écart entre elles. Du moins, par rapport à celles dont on a eu à affronter. Pour Maurice par exemple, le niveau n’était pas aussi élevé. Les Mauriciens avaient juste l’habitude de participer à des compétitions internationales (participation à la CAN 1974, ndlr). Ce qui leur donnaient un avantage majeur. Ils nous avaient battu facilement au premier match (3-0, le groupe B avait 2 équipes, ndlr) mais au deuxième, ce n’était pas si facile pour eux (1-3).

On a même marqué ce jour-là notre premier but de l’histoire. Un but marqué par Kassim Mdahoma (surnommé Petit Kassim, aussi père de l’international comorien Omar Mdahoma, ndlr). Avec Maldives, on peut dire que qu’on était un peu au-dessus. On les a gagnés 2 buts 1. J’ai d’ailleurs marqué le premier but de la rencontre. En revanche, notre rencontre face à la Réunion (demi-finale, ndlr), à Saint-Paul, c’était vraiment d’un autre niveau. On ne faisait pas le poids.

Après les Jeux de 1979, il a fallu attendre six ans plus tard pour qu’il y ait de nouvelles rencontres pour la sélection. Comment expliquez-vous cette période d’inactivité ?

Une fois les jeux terminés, il n’y avait pas de continuité. C’était ça le problème. Le championnat n’a pas été restructuré et la sélection était inactive. Il y avait des matchs des sélections régionales entres les îles mais pas de matchs au niveau international. Ce qui a manqué aussi, on n’a pas entamé au niveau de la fédération des démarches pour s’affilier à la CAF et à la FIFA. Si cela était fait, on aurait pu peut-être disputer régulièrement des matchs internationaux. Pour cela, il fallait au préalable avoir un stade et des hôtels aux normes pour pouvoir recevoir. Mais le pays n’avait pas de moyens et la priorité à l’époque était bien ailleurs.

Que faisiez-vous durant toute cette période qui a précédé les JIOI 1985, deuxième compétition internationale des Comores ?

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Je restais toujours un compétiteur durant cette période. Je suis retourné à Mayotte au FC Mtsapéré avant de revenir m’installer de nouveau à Moroni. J’étais présélectionné pour les JIOI 1985. Mais j’ai demandé à y être en tant que membre du staff plutôt qu’en tant que joueur. Ma demande a été acceptée et je pense on était deux à avoir disputé les JIOI 1979 à y avoir intégrer le staff technique en 1985.

Plus disciplinés que la sélection des JIOI 1985

Qu’est ce qui différenciait les deux équipes en termes de joueurs, entre celle qui a pris part aux jeux de 1979 et celle de 1985 ?

On avait des meilleurs éléments en 1979. Des bons joueurs à l’instar de Kassim Mdahoma qui jouait à l’époque à Avenir des Comores. Il avait un grand talent. Il y a aussi Chamsoudine Mohamed notre capitaine qui est de Ndzuani. Un niveau très intéressant. Un vrai leader. On avait Ahamada Djoubeir de Mitsoudjé, un milieu défensif de qualité. Il avait une très bonne vision de jeu. Je ne vais pas quand-même m’oublier. Je faisais partie des quatre à cinq joueurs qui avaient un niveau un peu au-dessus des autres.

Dans l’ensemble, chacun travaillait dur pour avoir une place dans le onze rentrant. La différence entre nous et ceux de 1985 (à Maurice, ndlr), c’est la cohésion. On était plus disciplinés qu’eux. Il y avait des bons éléments avec leur génération mais il y avait beaucoup d’egos. Chacun voulait se montrer. La volonté d’aller défendre nos couleurs n’y était pas. Ce qui explique en partie leur échec en phase de groupe.

Joueur aux premiers Jeux, dirigeant dans les seconds, qu’êtes-vous devenu après l’aventure mauricienne ?

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Avant les Jeux de 1985, j’avais déjà l’ambition de venir contribuer au développement du football comorien. J’ai abandonné le poste que j’occupais dans la section jeunesse et sport de Mayotte et je suis venu travailler au Ministère de la jeunesse et sport à Moroni. Il y avait déjà une politique de formation en place. On m’avait envoyé par exemple deux semaines à Mramani pour aider les jeunes footballeurs de la ville. Je suis parti plus tard en formation au Sénégal pour devenir éducateur sportif. Mais après un changement de gouvernement, les choses n’étaient plus les mêmes. Je suis ensuite parti en France continuer ma formation avant de retourner à Mayotte m’occuper du FC Mtsapéré en tant que joueur et coach.

L’impression que les choses sont allées plus vite

Des années 80 à aujourd’hui, la sélection a connu plusieurs évolutions. Affiliation de la fédération à la CAF et à la FIFA, et elle dispute des grandes rencontres internationales. Quel regard portez-vous du football comorien de votre époque à celui de nos jours ?

Une grande différence. C’est beau à voir comment la sélection s’est fortement modernisée. On ne peut pas encore dire que c’est comme avec l’Equipe de France mais l’organisation actuelle se rapproche petit à petit de ce modèle. L’équipe a connu une grande évolution. Des années 80 à aujourd’hui, j’ai l’impression que les choses sont allées plus vite vu le model auquel fonctionnait la sélection à l’époque. Personne n’imaginait qu’on aller tenir tête à des grandes nations africaines.

Aujourd’hui les Comores peuvent se faire une place de choix en Afrique. On commence à avoir des infrastructures aux normes et des joueurs de qualité. Les mentalités aussi ont changé. Les gens comprennent qu’il n’y a que les plus méritants qui doivent composer l’équipe nationale. En particulier actuellement ceux évoluant dans le haut niveau en Europe.

Depuis la nomination d’Amir Abdou à la tête des Cœlacanthes, l’équipe a pris une autre dimension mais des résultats conséquents tels une qualification à une CAN tardent encore. Les supporters sont devenus très exigeants. Cette grande pression sur la sélection est-elle justifiée ?

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Le football international est d’un niveau plus élevé et demande plus d’attention. Tout peut se jouer avec des petits détails. Il suffit d’une petite chose pour renverser le cours d’un match. Un sélectionneur aimerait bien réaliser des meilleurs résultats. On a des jeunes talents qui ont besoin de tout notre soutien. C’est normal que les supporters soient exigeants. Mais on doit quand-même laisser du temps à cette génération et être derrière elle. Il faudrait plutôt regarder du côté de la fédération.

On se trompe souvent en pensant que nos petites querelles n’affectent pas les performances de nos équipes. Il faut que tout le monde travaille ensemble dans une bonne entente. A chaque rassemblement, il y a presque un nouveau joueur professionnel qui intègre le groupe. On ne pourra plus attirer des meilleurs talents si tout n’est pas claire dans nos institutions.

Le Comité Exécutif de la FFC est dissout fin octobre par la FIFA suite à une crise institutionnelle qui a affecté le football comorien depuis août. Un Comité de Normalisation est mis en place pour remettre de l’ordre. Comment jugez-vous la gestion actuelle de la fédération ?

C’est ce que je viens d’évoquer. Parfois ces facteurs externes peuvent avoir un impact sur les performances des joueurs. C’est regrettable qu’on soit arrivé à ce stade. Il y a une semaine, j’étais de passage à Moroni et j’ai pu mesurer l’état de la situation. Une telle lutte de pouvoir n’avait pas lieu d’être. Comme je l’ai dit, il faut donner du temps aux dirigeants qui apportent un projet innovant.

On a malheureusement, dans l’ensemble de l’archipel, l’habitude de se mettre des bâtons dans les roues. Cela entache un peu l’image et le model de notre football qui émerge ces dernières années à l’international. On doit tout d’abord mettre en avant l’intérêt général du football comorien. Aujourd’hui, les Comores sont de plus en plus connues grâce au football. Une discipline qui nous fait oublier en l’espace d’une semaine nos problèmes du quotidien et qui nous apporte de la joie et de la fierté.

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L’espoir que les Comores peuvent se qualifier à la CAN 2021

Les Comores entament cette semaine les éliminatoires de la CAN 2021 dans un groupe composé de l’Egypte, Togo et le Kenya. Quelles sont les chances de qualification des Cœlacanthes dans ce groupe ?

C’est un groupe très relevé mais restons toujours derrière cette équipe et prions que tout se passe bien. Dans le football tout est possible. Il peut y avoir des surprises. On a acquis assez d’expérience et j’espère qu’on a tiré les bonnes leçons de notre dernière campagne pour la CAN 2019 où on a raté de peu la qualification. Il faut aborder ces éliminatoires avec beaucoup d’envie. On a des joueurs expérimentés et je garde encore espoir que l’on peut réaliser un exploit. J’ai confiance en eux et au sélectionneur Amir Abdou qui a aussi beaucoup appris.

El Fardou Ben Mohamed figure dans le Top 5 des meilleurs joueurs africains 2018 de Jeune Afrique

Organiser des compétitions de jeunes qui réuniront les enfants de l’archipel

Parmi les grands atouts de cette équipe, un particulièrement s’illustre d’avantage. Un certain El Fardou Ben Mohamed, récemment capitaine lors du match amical contre la Guinée. Comment jugez-vous l’évolution de ce joueur que vous connaissez si bien ?

Il doit continuer dans cette lancée. Cela montre qu’il a gagné en maturité. C’est une récompense pour tout qu’il fait avec l’équipe. Il doit rester fidèle à la sélection et savoir aussi qu’il peut à un moment donné recevoir des critiques dû à ses responsabilités. Nous autre à Mayotte, sommes convaincus qu’il a fait le bon choix.

Contrairement à beaucoup de gens ici qui pensent qu’il n’aurait pas dû rejoindre la sélection des Comores. On ne peut pas accepter l’idée selon laquelle un Mahorais ne soit pas aussi Comorien pour le simple fait que Mayotte est sous administration française. Le choix qu’a fait El Fardou est une bonne chose pour lui et pour nous sportifs mahorais. Personnellement, je le connais depuis tout petit. Récemment, on revoyait des photos d’archives quand il était tout petit, c’est là que je me suis rendu compte du long parcours qu’il a réalisé.

Quel message aimeriez-vous lancer à la communauté sportive de l’ensemble des quatre îles, souvent influencée par la politique ?

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Tout d’abord, on doit accepter qu’on est un même peuple. C’était difficile de se réunir avant. Il y avait par exemple une compétition appelé « Concorde » qui réunissait toutes les quatre îles. Elle a été abandonnée sans suite (2 éditions : 2006 et 2007, ndlr). A Mayotte, il y avait aussi un tournoi dont on invitait les champions des Comores. Il ne se fait plus (Tournoi Inter-Régional en 2005 et 2006 ndlr).

Au-delà des compétitions, je me rappelle qu’il y avait une formation d’arbitres qui impliquait les quatre îles, aujourd’hui aussi disparue. Je pense qu’il est temps qu’on se retrouve. Qu’on se rencontre les uns des autres et laisser de côté la politique. On doit pour cela passer par les jeunes. Organiser par exemple des compétitions de jeunes qui réuniront les enfants de l’archipel. Afin de renforcer notre fraternité et contribuer aussi au développement de notre football. C’est ce genre d’échanges qui nous manquent aujourd’hui.

Propos recueillis par Boina Houssamdine

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Written By

Fondateur et Rédacteur en chef de Comoros Football 269. Un passionné de football africain et un éternel fan de Young Africans (Yanga). Entre le Taarab qui l'inspire et d’être possédé au moindre lyrics d'un Igwadu, il demeure au moins un Makua de culture Swahili.

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