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Comores : que vaut encore le projet « Cœlacanthes » d’Amir Abdou ?

Éliminées début septembre au tour préliminaire des éliminatoires de la Coupe du Monde 2022, les Comores s’apprêtent à aborder en novembre prochain les éliminatoires de la CAN 2021.

Après une campagne plutôt séduisante aux éliminatoires de la CAN 2019, les Cœlacanthes entretiennent malgré tout le doute quant à leur capacité à aller de l’avant. Les résultats catastrophiques enregistrés depuis début de l’année remettent tout en cause.

Nous nous sommes prêtés au jeu d’analyse et allons essayer dans cet article de retracer certains causes et conditions qui fragilisent cette équipe. L’occasion de faire le point sur le projet mis en place par le sélectionneur Amir Abdou depuis 2014 et aussi de dresser son bilan à la tête des Cœlacanthes.

Quelques statistiques sur le projet d’Amir Abdou

Sur un total de 48 matchs des Comores depuis sa nomination en janvier 2014, le sélectionneur Amir Abdou n’a dirigé que 33 rencontres. Les 15 autres rencontres sont des rencontres de l’équipe nationale locale dirigé par un autre technicien. En termes de statistiques, le bilan d’Amir Abdou se résume par 15 défaites, 14 matchs nuls pour seulement 4 victoires. Son équipe a encaissé au total 41 buts pour seulement 23 buts marqués.

En termes de buts encaissés, sous sa direction, l’équipe n’a encaissé plus de 2 buts qu’à seulement trois reprises. Face au Mozambique en mai 2018 (3-0), le Cameroun en mars 2019 (3-0) et face à la Côte d’Ivoire en juin 2019 (3-1). Il a eu à mener les Cœlacanthes dans 3 campagnes de qualifications pour la CAN et 2 campagnes pour les qualifications de la Coupe du Monde. Il a eu aussi la charge de diriger les Veri Piya au Cosafa Cup 2018 et a disputé au total 8 matchs amicaux.

Les Cœlacanthes des Comores le 16 octobre 2018 face au Maroc à Mitsamiouli

Au-delà des chiffres, Amir Abdou a apporté du renouveau à la sélection. La mise en place d’une autre philosophie de jeu a permis aux Comores de tenir en échec plusieurs géants d’Afrique. Un projet rassembleur qui a su convaincre plusieurs binationaux à rejoindre ses rangs. Ses résultats face à des équipes comme le Ghana, Cameroun et Maroc ont permis de mettre en lumière les Comores sur le continent.

La dernière campagne des éliminatoires de la CAN 2019 en est un parfait exemple. Les Comores ont raté de peu une qualification historique à une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations. Mais ce projet mis en place il y a 5 ans et 9 mois déjà ne fait plus aujourd’hui l’unanimité. Très peu de victoires et un jeu de plus en plus décrié remettent tout en cause. Le projet mis en place a-t-il déjà atteint son apogée ?

Une défense vieillissante pas très rassurante

Avec les chiffres cités ci-haut, on remarque rapidement que la défense des Comores pose d’énormes problèmes. Et pratiquement cela se situe surtout en défense centrale. Ce poste est devenu une véritable casse-tête depuis la retraite internationale d’Ibrahim Rachidi en 2017. Depuis son départ, il n’y a réellement pas eu de relève. Milieu défensif de formation, Nadjim Abdou (35 ans) ainsi que Kassim Abdallah (32 ans, latéral droit) ont été repositionnés dans l’axe. Malgré l’expérience, le duo manque parfois d’efficacité.

La jeunesse aussi peine à assurer la relève. Camal Youssoufa, Kassim Mdahoma et Ahmed Soilihi n’ont pas encore acquiert assez d’expérience pour assurer pleinement le poste. Mais s’agissant d’erreurs, tout défenseur peut en faire dans un match. Le plus inquiétant dans ce groupe est le relâchement de fin de match. Plus de de 70 % des buts encaissés depuis 2016 ont été inscrit dans le dernier quart d’heure. Est-ce dû à l’âge avancé de certains défenseurs ou le repli défensif instinctif de l’équipe ?

Remettre toute la faute à seulement cette défense défaillante ne saurait être logique. Elle n’est évidemment pas la seule à être remise en cause sur ce cas. Les Comores n’ont toujours pas encore un dernier rempart rassurant. Numéros un dans la hiérarchie et malgré son expérience, Ali Ahamada ne fait plus l’unanimité. En 18 sélections tout en étant titulaire, il comptabilise au total 24 buts encaissés. Soit un minimum d’un but encaissé par match.

L’ancien gardien de Toulouse n’a gardé ses cages intactes que dans seulement trois rencontres. Lors de sa première sélection en mars 2016 face au Botswana (1-0), devant l’Île Maurice en mars 2017 (2-0) et face à la Mauritanie en octobre 2017 (1-0). Auteur de plusieurs arrêts de grande classe et souvent décisif avec les Veri Piya, Ahamada est aussi capable des pires prestations. Ses boulettes, ses sorties hasardeuses et ses mauvais positionnements inquiètent de plus en plus.

Une équipe reposant sur quelques individualités

Globalement, le groupe n’est pas assez solides. L’équipe ne dispose en réalité que quatre joueurs clés. Un trio au milieu de terrain formé par Fouad Bachirou, Rafidine Abdullah et Youssouf Mchangama et unique leader d’attaque qu’est El Fardou Ben Mohamed. L’absence d’un ou deux de ces joueurs affecte globalement le jeu de l’équipe. La bonne cohésion et l’homogénéité qui caractérisaient jusqu’en début d’année le groupe ne tient qu’à un fil. Le jeu posé et la sérénité des Cœlacanthes ont laissé place à des complexes à tel point que les automatismes ont presque disparu.

Bien que le groupe se rajeunit avec quelques doublures, la mayonnaise met encore du temps à se mettre en place. Une question de temps avant que tout se bonifie ou un système de jeu qui ne favorise pas leur épanouissement ? Voir aussi les Comores comme un pays avec un grand réservoir de joueurs c’est aussi se leurrer. En dehors du réservoir local (niveau amateur), les Comores n’ont pas un pléthorique de joueurs professionnels.

Les Comores se sont inclinées 3 buts à 0 face au Cameroun à Yaoundé lors de la dernière journée des éliminatoires de la CAN 2019

Parmi le groupe d’expatriés qui constituent essentiellement l’équipe nationale, seuls deux disputent des compétitions européennes. Et une poignée d’entre eux évoluent dans des championnats attractifs. Sur les joueurs réguliers en sélection, certains ne sont pas titulaires dans leurs clubs respectifs. D’autres sont parfois à la recherche de clubs et quelques-uns ne sont presque jamais stables entre deux saisons. Ce manque de rythme et de compétitivité de beaucoup d’entre eux affecte parfois leurs performances en sélection.

Mais jouer dans des championnats amateurs ou dans des « petites équipes » professionnelles n’empêche en aucun de réaliser des exploits. Ce sont certes des facteurs à tenir en compte mais pas assez suffisants pour justifier les résultats que l’on connait. Des équipes comme la Mauritanie, Burundi et Madagascar se sont qualifiées pour la première fois à la CAN 2019 avec une majorité de joueurs de ce registre. Le problème est peut-être du côté de l’organisation des regroupements et la gestion des rencontres.

Des difficultés relatives à l’organisation

Viser des grandes objectifs et préparer sereinement des matchs d’une sélection nécessite des meilleurs conditions de travail. Une entente entre staff technique, la DTN et la fédération. Et des meilleurs collaborateurs à la FFC, ce genre de personnes peuvent être compter du bout des doigts. Aucune planification n’en parlons plus de budget annuel de l’équipe nationale n’est disponible à chaque début d’année. La planification des matchs et l’organisation des regroupement sont réglés généralement au dernier moment.

Il faut surtout souligner que la plupart du temps c’est un dialogue de sourds entre le staff technique et la fédération. « On perd du temps à régler des problèmes qui pourraient être évités si, en amont, il y avait eu un peu plus d’anticipation » déclarait il y a un an le sélectionneur Amir Abdou. Des conditions de travail pas très optimales pour préparer des rencontres de grandes importances. Mais sur ce domaine il est aussi nécessaire de noter quelques améliorations depuis début de l’année.

Si les déplacements à l’extérieur restent aussi une casse-tête organisationnelle, les Comores ne sont les seules à être affectées par ce problème. Plusieurs pays africains font régulièrement face à ce défi de transport qui touche tout le continent. Pourtant sans minimiser cet aspect, ces difficultés n’affectent que rarement les résultats de ces pays à l’extérieur. Le manque de résultat des Comores et cet aspect ne sont pas directement liés.

S’agit-il d’une question tactique ou physiologique ? Difficile de donner un avis. Mais ce qui est évident est que le groupe n’arrive toujours pas à gérer ce genre de rencontres loin de leur fief. Et cela est visible sur le terrain. En 11 rencontres officielles de l’équipe A à l’extérieur depuis 2014, les seuls performances des Comores furent des matchs nuls 1-1 face au Lesotho (2015) et Maurice (2016).

Habituées d’être une petite nation de foot

« Les joueurs n’ont plus de complexes d’infériorité. Ils ont pris de l’assurance » avait déclaré le sélectionneur Amir Abdou en novembre 2018. « Les Comores ne peuvent plus se cacher » l’avait aussi rappelé avant d’affronter le Togo début septembre. Jusqu’en novembre 2018, les Comores avaient assez emmagasiné d’expérience pour au minimum passer un palier important en Afrique. Comme annoncé par le staff, 2019 devait en principe être une année de confirmation de tous ces progrès.

Mais force est de constaté que cette promesse de renouveau en 2019 n’est toujours perceptible. Toujours pas de résultats conséquents ni une amélioration dans le jeu. Et malgré cela, exiger des résultats et un bilan n’est pas vu d’un bon œil. Nombreux ont encore les mêmes raisonnements pour justifier les défaites et les matchs nuls à répétition. « On tombe sur des grandes équipes », « on est en apprentissage », « les gens pensent que nous sommes une grande nation », « on vient de loin », « il faut redescendre sur terre ».

Il est devenu aussi de coutume de justifier un résultat par l’absence ou la blessure d’un cadre. En tout, c’est toute une longue liste de justifications à égrener à chaque mésaventure. Sur les quatre rencontres de l’équipe A cette année, les Comores comptabilisent déjà 3 défaites et un match nul avec seulement 2 buts marqués contre 9 encaissés. Une régression par rapport même à l’année dernière à l’image par exemple du Classement FIFA des Comores qui suit une courbe décroissante depuis 2017.

Certes, ce classement tient compte aussi des résultats de l’équipe A’ (locale) mais le niveau d’importance FIFA de ces matchs ne sont pas comparables à celui de l’équipe A. Des rencontres de Cosafa Cup et éliminatoires de CHAN n’ont pas la même considération FIFA que des rencontres d’éliminatoires de CAN et de Coupe du Monde.

Une qualification à la CAN 2021 est-elle possible ?

Certains en plus des excuses habituels voudront aussi insister sur les facteurs extra-sportifs. Mais les Comores sont-elles les seules à faire face à des moyennes et grandes équipes d’Afrique ? Sont-elles les seules à fonctionner avec des problèmes financiers ? Force est de constaté que c’est loin d’être une particularité comorienne. D’autres équipes avec moins de moyens et avec des projets récents font désormais mieux que nous en termes de résultats.

En cinq ans et neuf mois après, les Cœlacanthes n’ont toujours pas quitté les abysses. Le chemin vers la surface semble encore long. Cinq ans et neuf mois après, les Comores gardent encore leur étiquette de « petite équipe » de foot. Telle une fatalité à l’image de leurs homonymes aquatiques, les Cœlacanthes entretiennent encore le mystère. A un mois du début des éliminatoires de la CAN 2021, le rêve d’une qualification en phase finale de CAN est-il réalisable ?

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Fondateur et Rédacteur en chef de Comoros Football 269. Un passionné de football africain et un éternel fan de Young Africans (Yanga). Entre le Taarab qui l'inspire et d’être possédé au moindre lyrics d'un Igwadu, il demeure au moins un Makua de culture Swahili.

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