
Comorians abroad
Yasser Ida Mze : « Je rêve de porter haut les couleurs des Comores »
Dans cette interview, Yasser Ida Mze nous parle de ses débuts en tant que footballeur, de son départ précoce en Angleterre et de son expérience en Amérique du Sud. Il évoque également son attachement à ses racines comoriennes et son désir de représenter les Comores sur la scène internationale.
À la découverte des talents comoriens, nous nous sommes entretenus avec Yasser Ida Mze, un ailier évoluant actuellement à Korinthos en Grèce. Un joueur au parcours atypique, très attaché à ses racines comoriennes, passé par l’Angleterre et le Chili.
Bonjour, pouvez-vous nous présenter brièvement vos débuts en tant que footballeur ?
Yasser Mze, 27 ans, je suis de la génération 91. Né à Rennes, j’ai commencé le football au Mans. J’ai fait mes classes dans cette ville dans différents clubs, dont Le Mans FC. Je suis passé par Wasquehal, Poitiers et Châtellerault. J’ai également passé quelques mois à Rennes avant de rejoindre l’Angleterre, où j’ai effectué une série de tests avec mon agent. J’ai essayé de rejoindre Blackburn Rovers, Stoke City, Telford United, Aston Villa, et j’ai finalement signé à Kidderminster Harriers, un club professionnel.
Comment expliquez-vous ces différents changements de clubs et ce départ très tôt en Angleterre ? N’y avait-il pas d’opportunités pour rester en France ?
Il y a eu des changements de clubs, mais cela a été une évolution. Je suis passé de petits clubs au Mans à des clubs de plus en plus importants, jusqu’à arriver au Mans FC. Cependant, à l’époque des générations 91, 90, 89, 88, il fallait être un crack pour franchir un cap. C’est ce que l’on voit aujourd’hui avec des joueurs comme Eden Hazard et Alexandre Lacazette, entre autres. En France, à cette époque, les clubs recherchaient plutôt des joueurs costauds, puissants et athlétiques. Étant comorien (rires), je n’étais pas spécialement taillé comme une bête. Nous sommes plutôt des joueurs fluides, techniquement fins et rapides. Nous n’étions pas le type de joueurs recherchés par les clubs français.
J’ai compris que cela allait être compliqué en France. Après avoir participé à « Nike the Chance », j’ai été approché par des agents anglais. J’avais remporté la compétition dans l’ouest de la France et j’ai terminé parmi les 20 premiers à Clairefontaine. J’ai eu une conversation avec Bernard Diomède, qui m’a dit que mon style de jeu n’était pas spécialement français. L’étranger était donc une option.
« Nike the Chance » a tout déclenché dans ma carrière
C’était un clin d’œil de Dieu pour moi, je pense. C’est ce qui a tout amorcé dans ma carrière, tout le reste. Cela s’est fait vraiment au hasard. J’étais avec mon petit frère Zinédine, on voit la pub passer à la télévision : « Nike cherche les meilleurs joueurs de France amateurs […] ». Cela pourrait déboucher sur un contrat professionnel ou rejoindre la Nike Académie en Angleterre. C’est une sorte de détection. Et là, il me dit : « Yasser, tu peux faire ça ». Au début, je ne voulais pas y aller. La concurrence était énorme. Mais lui, il insistait. Finalement, on se renseigne sur les conditions et je me suis inscrit.
Justement, comment avez-vous découvert cette compétition à laquelle vous êtes allé jusqu’à la dernière étape à Clairefontaine ?
Jusqu’à la veille du rassemblement, je ne voulais toujours pas y aller. J’avais entendu dire qu’il y aurait des joueurs des centres de formation, des joueurs en manque de temps de jeu en CFA et même en National. Je me souviens même avoir fraudé le train pour me rendre au rassemblement (rires). C’était une très belle compétition. Dès qu’on arrive dans la phase finale, c’est du solide. Mais il ne faut pas avoir froid aux yeux. Il faut croire en soi et briser les barrières.
Concernant vos débuts en Angleterre, comment avez-vous trouvé le football anglais, surtout dans les divisions non professionnelles ?
Déjà en Angleterre, c’est ultra-physique. C’est vraiment solide, surtout dans ces divisions-là. Je suis resté trois mois à Kidderminster avant de partir en prêt au Stourbridge FC. Je prenais le rythme. Tout change, il faut se muscler. Les méthodes ne sont pas les mêmes. On est tout le temps en salle de musculation. Sur le terrain, ça court dans tous les sens avec un jeu direct. C’était compliqué, mais c’est une habitude qu’on prend au fil du temps. J’ai pris du plaisir à apprendre un nouveau football et une nouvelle langue.
« Je me suis rapproché de ma communauté en commençant à découvrir ma culture »
Qu’est-ce qui a changé en vous en tant que personne à cette époque où vous étiez encore jeune pour partir à l’étranger ?
Cette aventure m’a fait le plus grand bien, surtout au niveau culturel. Je me suis rapproché de ma communauté. À la base, je n’écoutais pas, par exemple, de musique comorienne. À cette époque, mon cousin Rahil Kayden se lançait dans la musique. J’avais toute sa musique avec moi. Quand je me suis retrouvé seul en Angleterre, c’est là que j’ai commencé à découvrir ma culture. C’est à ce moment-là que je commençais à devenir une « personne entière ». Cette partie qui me manquait humainement s’est complétée. Elle se reflétait dans mon football. Je jouais beaucoup mieux et j’étais solide mentalement.
Ce n’a pas été difficile de vivre loin de sa famille et de ses proches ?
Personnellement, au début, je pleurais. À 19 ans, tout seul à l’étranger sans la famille ni les amis, il faut se débrouiller tout seul. Parfois, on fait de mauvais entraînements. On est envoyé en prêt dans des clubs semi-professionnels qui ne jouent pas vraiment au football. On craque parfois. Mais sportivement, en tant que footballeur, l’Angleterre t’apporte d’énormes qualités athlétiques. Si tu es un bon joueur, avec une expérience en non-league (D5), tu peux faire la différence dans plusieurs championnats. Je suis resté huit ans au total, j’ai même été en Amérique du Sud, puis je suis retourné à Châtellerault avant de revenir en Angleterre.
« C’est la meilleure expérience que j’ai eue dans ma vie »
L’Amérique du Sud, quelle aventure incroyable. D’où est venue l’idée de partir jouer au San Marcos de Arica en première division chilienne ?
On peut dire que j’ai eu de la chance. Cette année-là, j’attendais la naissance de mon fils. Je me suis dit qu’il fallait que je franchisse un cap pour pouvoir m’occuper de lui. L’année précédente, un agent m’avait déjà parlé de l’Amérique du Sud. Il me disait que mon style de jeu intense correspondait parfaitement à l’Amérique latine. À l’époque, j’étais encore jeune, 21 ans. Malgré toutes mes opportunités en Angleterre, je ne m’imaginais pas du tout en Amérique du Sud.
Et pourtant, en juin 2015, vous avez posé vos valises à Arica.
Comme je l’ai dit, il fallait franchir un cap. À la fin de la saison, je suis revenu en France pour un essai au SCO d’Angers. Ça s’est bien passé, mais finalement je n’ai pas été retenu. Le club venait d’être promu en Ligue 1, donc il y avait des exigences élevées en matière de recrutement. C’est alors que l’agent m’a recontacté avec une proposition pour le Chili. Il m’a mis en contact avec le club et cela a commencé à devenir réel. On m’a ensuite envoyé un billet pour rejoindre l’équipe à São Paulo le 16 juin. Et par un heureux hasard, mon fils est né le 15 juin. J’ai pu assister à sa naissance avant de partir. Une fois à São Paulo, nous avons rejoint le Pérou, puis nous sommes arrivés à Arica, au Chili.
À votre arrivée au Chili, tout était nouveau pour vous. Une autre culture et un autre football. Comment avez-vous trouvé l’Amérique du Sud ?
Une fois sur place, le choc culturel était énorme. Mais c’était une expérience magnifique. Les gens sont gentils et chaleureux. La nourriture est excellente, ça rappelle un peu notre pays. Le football est agréable à jouer. On prend pratiquement toujours du plaisir. Avec les Sud-Américains, c’est l’alegría, comme ils aiment le dire. Ils vivent pour le football. Il y a du spectacle. Si vous êtes un joueur qui aime le beau jeu, les gestes techniques, la vitesse, c’est en Amérique du Sud qu’il faut aller.
Et concernant votre aventure avec San Marcos de Arica ?
San Marcos est un club du milieu de tableau. J’y ai passé une demi-saison, puis il y a eu un changement d’entraîneur. Marco Antonio Figuero, surnommé Fantsama, un Mexicain, est arrivé avec ses propres joueurs et nous étions 9 à partir en prêt. Mais comme je n’étais pas très connu au Chili, il était difficile de trouver des prêts. Il y a eu un contact avec Deportivo Nublense, un club de première division, mais cela ne s’est pas concrétisé.
Mon cousin m’a alors dit de revenir en France pour essayer du côté de Marseille Consolat. Avec mon oncle Ali Darouech, nous sommes entrés en contact avec Djamal Mohamed, mais cela n’a pas abouti. À l’époque, j’avais une proposition d’Ornans en Division d’Honneur. Nous avons même été promus en CFA2 l’année suivante. Le fait de passer de la première division en Amérique du Sud à la DH en France a été un coup dur pour moi mentalement. Cela m’a vraiment touché.
« J’aime rentrer, trouver la dernière passe, travailler mon défenseur et trouver les brèches »
Vous évoluez en tant qu’ailier mais aussi en tant que latéral gauche. Quel est votre poste de formation et où vous sentez-vous le mieux ?
On peut dire que je suis un profil particulier, un meneur de jeu excentré. À la base, je suis un « neuf et demi », un numéro 10. J’ai commencé à jouer en équipe senior très tôt, vers l’âge de 16-17 ans. On m’a positionné sur le côté car je n’avais pas encore la carrure pour jouer dans l’axe. Je suis gaucher et j’aime jouer à droite en tant qu’ailier. Mais je n’ai pas spécialement le style de jeu d’un ailier. En ce moment, en club, j’évolue en tant que numéro 10 et à droite.
Quelles sont vos qualités et ce que vous aimez le plus faire sur un terrain ?
Je délivre beaucoup de passes décisives et je tire les coups de pied arrêtés. Je suis très précis dans ma transmission du ballon, explosif et je dribble énormément. Le un contre un, les centres et les passes millimétrées sont vraiment mes spécialités. C’est ce que je fais de mieux. Parfois, je joue également en tant que latéral gauche, mais cela dépend du style de jeu de l’équipe. J’aime rentrer, frapper, trouver la dernière passe, travailler mon défenseur et trouver les brèches. C’est ce que j’aime le plus.
Vous avez mentionné que vous vous êtes rapproché culturellement des Comores une fois en Angleterre. Quelle est votre relation avec le pays ? Y allez-vous souvent ?
Ma mère est comorienne, née à Diego Suarez (Madagascar), et mon père est mahorais de Sada. Je suis donc éligible pour jouer avec les Cœlacanthes ainsi qu’avec les Barea. Cependant, mon souhait est de jouer pour les Comores. J’ai visité les Comores pour la première fois lorsque j’avais 14 ans et j’y suis resté pendant presque un an. J’ai énormément apprécié cette expérience. Sur le plan humain, cela m’a beaucoup apporté. On est imprégné de l’amour des siens, ce qui est quelque chose d’inestimable et d’essentiel pour un être humain.
La dernière fois que je m’y suis rendu, c’était en janvier dernier pour assister au mariage de mon frère. Je suis très attaché à ma culture et pour moi, il n’y a pas de barrière entre nos quatre îles. Il faut en être fier, car être comorien est une richesse. Un de mes meilleurs amis, Nakim Youssoufa, a été sélectionné et il ne m’a fait que des éloges. Il me disait également que je ne me sentirais jamais aussi bien qu’avec les miens. Représenter son pays est une expérience unique et cela doit se mériter.
D’autres joueurs qui ont évolué au Mans FC, comme Kevin Moihedja et Saifoudine Sanali, ont récemment été appelés en sélection. Comment décririez-vous ces joueurs ?
Kevin est celui avec qui je suis le plus proche, car nous avons grandi ensemble. Nous sommes tous les deux originaires du Mans. Honnêtement, je pensais qu’il deviendrait un grand latéral de Ligue 1. Quand nous étions jeunes, Kevin était, à mes yeux, le meilleur de sa génération. Il possède toutes les qualités, c’est un latéral très complet. Il est robuste, rapide, possède un bon jeu et prend des décisions rapidement. Ayant vu son évolution, je peux vous dire qu’il ira loin. En ce qui concerne Saifoudine Sanali, je le connais un peu moins car il vient de Paris. Je l’ai vu s’entraîner avec les jeunes du Mans. C’est un joueur très raffiné.
Vous venez de déclarer votre souhait de rejoindre les Cœlacanthes. Pensez-vous pouvoir intégrer un jour le groupe compte tenu de la concurrence à votre poste ?
Ces dernières années, cela est devenu plus compliqué. Rejoindre l’équipe nationale comorienne n’est plus aussi évident. Cependant, cette complexité montre que nous sommes devenus meilleurs qu’auparavant. Nous avons désormais de grands joueurs, et c’est tout ce que je souhaite pour notre pays. Il faut se surpasser, car les places ne sont pas gratuites. Représenter les Comores est quelque chose qui se mérite, surtout quand on provient d’un peuple aussi honoré et fier que le nôtre.
Tous ceux qui sont sélectionnés sont de bons joueurs qui ont de l’amour pour leur pays. Pour moi, représenter les Comores et donner le meilleur de moi-même devant mon peuple serait un rêve. J’ai commencé à penser à la sélection depuis mon arrivée au Chili. L’envie d’apporter quelque chose à mon pays me tient à cœur. Il faut donner le maximum. Tout passe par de bonnes performances en club. Je continue de travailler et nous verrons ce qui se passera. Comme on dit, impossible n’est pas comorien.
Vous venez de rejoindre le Korinthos FC en Groupe C (D3 Grèce). Comment se déroule votre intégration et vos débuts ?
Depuis mon arrivée, tout se passe bien. J’ai la chance que Mohamed Youssouf et El Fardou Ben Mohamed aient laissé de bons souvenirs en Grèce. Je suis bien perçu par eux, en raison de ce que je fais sur le terrain avant tout. L’entraîneur Yannis, que j’ai connu à West Bromwich Albion, me fait jouer à différents postes, notamment en tant que meneur de jeu. J’ai de bons coéquipiers respectueux qui m’ont bien accueilli. Korinthos est un club très familial, donc on s’y sent rapidement à l’aise.
Quels sont vos objectifs pour la saison avec le Korinthos FC ?
L’objectif est d’abord de se maintenir. Ensuite, pour la saison prochaine, nous visons la montée en Football League (D2). De nouveaux investisseurs sont arrivés, le projet prend forme. Personnellement, c’est une belle opportunité pour moi de montrer ce dont je suis capable. Être performant et aider l’équipe, voilà ce qui me motive en ce moment.
Propos recueillis par Boina Houssamdine
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Fondateur et Rédacteur en chef de Comoros Football 269. Un passionné de football africain et un éternel fan de Young Africans (Yanga). Entre le Taarab qui l'inspire et d’être possédé au moindre lyrics d'un Igwadu, il demeure au moins un Makua de culture Swahili.

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