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Nabil Ahmad (à gauche) et Abasse Alhamidi (à droite), deux agents sportifs

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Agent sportif – « L’Afrique, une étape intermédiaire avant l’Europe » – Partie II

« Dans notre pays, la pratique sportive est entravée par de nombreuses difficultés telles que l’absence de soins et d’encadrement, ainsi que des conditions d’entraînement peu propices au développement des joueurs, qui s’entraînent souvent affamés et sous le soleil. »

C’est dans la perspective de faire connaître le métier d’agent sportif que nous avons rencontré Abasse Alhamidi (33 ans) et Nabil Ahmad (31 ans) de Qamar Sport Conseil, deux agents de joueurs franco-comoriens licenciés auprès de la Fédération Française de Football (FFF). Le premier a évolué en tant que cadre commercial et le second dans la finance. Tous les deux travaillent en binôme et exercent pleinement aujourd’hui leur activité d’agent sportif.

Lire la Partie I : « Un accompagnement qui doit être global et durable »

En 2017, vous avez effectué un voyage aux Comores avec l’association Foot’O Comores, Nabil Ahmad. Pourriez-vous nous décrire les objectifs de votre déplacement ?

NA : Ce fut un voyage très enrichissant au cours duquel nous avons entrepris une évaluation de la situation des jeunes footballeurs aux Comores. J’ai constaté que leur situation est très préoccupante. Malgré la passion et l’engouement des Comoriens pour le football, il n’y a guère d’opportunités pour les jeunes joueurs. Du matin au soir, on croise des gens qui s’adonnent au football, pour la plupart pieds nus ou chaussés de sandalettes. J’ai été touché par leur amour inconditionnel pour ce sport, malgré les difficultés auxquelles ils font face.

Je me souviens qu’à l’âge de six ou sept ans, j’ai commencé à jouer au football à Grande Comores sous la direction de Daoud Albert, un entraîneur qui réside actuellement à Mayotte. C’est grâce à lui que j’ai découvert cette passion pour le sport. Malheureusement, force est de constater que la situation n’a guère évolué depuis lors, ce qui est regrettable. C’est la raison pour laquelle nous avons fondé l’association Foot’O Comores, dont l’objectif premier est d’accompagner les jeunes sur les plans éducatif et sportif, afin de leur offrir un avenir meilleur.

Avez-vous rencontré des acteurs du football comorien ?

NA : J’ai rencontré plusieurs personnes, parmi lesquelles l’ancien président de la Fédération, Salim Tourqui, ainsi que l’inspecteur de la Jeunesse et des Sports, Abdallah Mze Msa. Nous avons échangé longuement sur différents sujets et j’ai profité de cette occasion pour leur expliquer le travail que Foot’O Comores envisage de réaliser. Toutes les personnes rencontrées lors de mon séjour ont été enthousiasmées par notre initiative. Nous bénéficions donc d’un réel soutien sur place, ce qui facilite nos actions sur le terrain. Je profite également de cette interview pour féliciter le nouveau président de la Fédération, Saïd Ali Saïd Athouman, et l’encourager à travailler pour un meilleur avenir pour les jeunes.

En dehors de ces rencontres, quelles actions avez-vous menées sur le terrain ?

NA : Notre objectif était de sélectionner des clubs avec lesquels nous pourrions travailler sur le long terme. Cette démarche a été couronnée de succès puisque depuis l’été dernier, trois conventions ont été signées avec les clubs de l’US Zilimadjou, du FC Bambani et le centre de formation de Moroni « Wulezi Msomo », dirigé par le Coach Daroueche Tadjiri. Dans un premier temps, l’objectif est de permettre à ces clubs de créer leurs catégories de jeunes joueurs, puis nous renforcerons ensemble cette section au fil du temps. Nous sommes en contact régulier avec eux et Foot’O Comores est présent pour les accompagner au quotidien dans leur développement.

Nous sommes convaincus que c’est avec la jeunesse que le pays pourra progresser dans le football. En apportant notre expertise et notre soutien, nous pourrons faire évoluer les choses. Par ailleurs, nous organisons un tournoi caritatif le 22 avril prochain au gymnase Alain Mimoun de Dugny. Nous espérons y voir de nombreux participants et comptons sur l’ensemble de nos compatriotes pour soutenir nos actions. C’est ensemble que nous réussirons à faire ressortir la grandeur de notre pays.

Au-delà des objectifs de Foot’O Comores, en tant qu’agents sportifs, quelles actions envisagez-vous pour la jeunesse comorienne ?

NA : Actuellement, les Comores accusent un retard considérable par rapport aux standards français ou européens en matière de sport. Il est extrêmement difficile pour un jeune talentueux vivant aux Comores de s’expatrier en France. J’ai personnellement constaté lors de certains matchs des joueurs possédant un niveau de jeu honorable mais qui auraient du mal à s’imposer en Europe.

Dans notre pays, la pratique sportive est entravée par de nombreuses difficultés telles que l’absence de soins et d’encadrement, ainsi que des conditions d’entraînement peu propices au développement des joueurs, qui s’entraînent souvent affamés et sous le soleil. De ce fait, une fois arrivés en Europe, ils se trouvent confrontés à un environnement totalement différent et ne peuvent pas suivre le rythme des joueurs ayant bénéficié d’un entraînement idéal en France, dès leur jeune âge. Par conséquent, mon travail en tant qu’agent sportif ne pourra s’effectuer qu’à long terme. Il est impératif de surmonter ces difficultés pour permettre une intervention efficace en faveur de ces joueurs.

Abasse Alhamidi (AA) : En effet, aux Comores, de nombreux joueurs disposent des qualités intrinsèques liées à ce sport. Cependant, ce qui posera problème concerne non seulement ce que vient de dire Nabil, mais également la tactique et la préparation mentale au plus haut niveau. Les joueurs qui ne maîtrisent pas encore les codes nécessaires sont susceptibles de connaître l’échec s’ils atterrissent directement en Europe. Nous souhaitons donc identifier les joueurs ayant un potentiel très élevé afin de les accompagner et de les aider dans leur parcours.

Recommandez-vous donc aux jeunes Comoriens de ne pas se projeter trop rapidement en Europe ?

AA : Exactement. Je leur conseillerais de procéder étape par étape et de toujours garder un objectif en tête. Cela demande un gros travail mental, que seuls les meilleurs parviennent à surmonter au final. Ils doivent être excellents au niveau local, et s’ils sont très bons, patients et travailleurs, ils réussiront. On peut citer l’exemple de Casimir Ninga, un excellent joueur originaire du Tchad qui a commencé par jouer dans le championnat gabonais à Mangasport. Il est devenu champion dès sa première année et a été sélectionné dans l’équipe type. Au cours de sa deuxième saison, il a terminé meilleur buteur de la D1 gabonaise et a été repéré par plusieurs clubs européens. Finalement, il a choisi Montpellier.

Je pense qu’une étape intermédiaire, une sorte de passerelle entre le championnat comorien et les championnats majeurs, est essentielle. Plusieurs ligues en Afrique permettent cela. Contrairement à ce que beaucoup de personnes peuvent penser, le football se développe bien sur ce continent. Les infrastructures se créent et de plus en plus de championnats se professionnalisent. La Premier Soccer League en Afrique du Sud en est un excellent exemple. De grandes compagnies y investissent et sponsorisent les clubs, ce qui crée une véritable économie du football. Ce championnat, proche des Comores, ne doit pas être négligé.

Comment percevez-vous l’avenir du football comorien ?

AA : Il convient de rappeler que le football comorien est encore très jeune, puisque son adhésion à la FIFA ne remonte qu’à 2005. Nous pouvons prendre exemple sur les jeunes nations qui ont commencé de loin, telles que la RDC, le Cap-Vert, la Zambie, et bien d’autres. Le développement du football comorien passera par une sélection nationale compétitive, incarnée notamment par les Cœlacanthes, ainsi que par la contribution des binationaux professionnels évoluant en Europe.

Je suis particulièrement optimiste quant à l’avenir du football comorien, car nous avons un vivier de jeunes talents en France, en particulier chez les nouvelles générations, ce qui est incroyable. Les jeunes d’origine comorienne sont présents dans presque tous les centres de formation de football en France, et je suis convaincu qu’ils envahiront bientôt la planète football (rires).

Avez-vous actuellement la charge de la gestion de carrière de certains joueurs comoriens ou d’origine comorienne ?

NA : Nous sommes en contact avec quelques joueurs comoriens, mais nous ne sommes pas contractuellement responsables de leur gestion de carrière.

AA : Nous ne cherchons pas spécifiquement des joueurs comoriens, notre objectif est de rechercher les meilleurs joueurs, qu’ils soient comoriens ou non. Nous avons une vision globale, qui nous permet aujourd’hui d’accompagner des joueurs de différents milieux et origines. Que ce soit des jeunes issus de banlieues, de régions, d’Afrique ou d’ailleurs, nous sommes capables de nous adapter et de faire face à tous les types de profils.

Comment expliquez-vous le fait que beaucoup de joueurs comoriens échouent en centre de formation ou que certains n’arrivent pas à aller plus loin bien qu’ils aient intégré des clubs professionnels ?

AA : Ce phénomène est répandu partout et plusieurs contextes peuvent l’expliquer. Certains jeunes pensent à tort qu’une fois intégrés en centre de formation, ils ont déjà atteint leur objectif alors que c’est à ce moment-là que tout commence réellement. Le manque d’accompagnement, ou les mauvais conseils prodigués par des personnes qui ne sont pas des professionnels du football, sont également des facteurs importants. Les problèmes de discipline sont également récurrents. Enfin, les erreurs de casting peuvent jouer un rôle déterminant. Si vous n’avez pas le niveau requis, vous êtes remercié, c’est comme en entreprise ! En somme, une bonne préparation mentale est indispensable pour progresser au plus haut niveau, quel que soit le milieu.

NA : L’entourage a également une grande influence. Souvent, dès que le joueur arrive en centre de formation, la famille pense que tout est acquis. Les pressions qui suivent peuvent perturber l’évolution du joueur. Dans ce cas, le rôle de l’agent est crucial, en intervenant pour faire comprendre à tous qu’il reste encore du travail à accomplir. Avec toutes ces pressions, le joueur peut perdre ses moyens et avoir du mal à se concentrer sur ses objectifs, alors qu’il avait toutes les qualités pour réussir.

Mais il est indéniable qu’une certaine qualité technique est requise…

AA : Absolument ! Un niveau minimum est exigé. Cela étant dit, lorsque l’on observe le niveau de certains joueurs en L1, il est évident que la technique n’est pas leur point fort. La plupart d’entre eux ont une excellente condition physique et un mental exceptionnel, qui leur permettent de faire carrière au plus haut niveau.

Propos recueillis par Boina Houssamdine.

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Fondateur et Rédacteur en chef de Comoros Football 269. Un passionné de football africain et un éternel fan de Young Africans (Yanga). Entre le Taarab qui l'inspire et d’être possédé au moindre lyrics d'un Igwadu, il demeure au moins un Makua de culture Swahili.

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