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Nabil Ahmad (à gauche) et Abasse Alhamidi (à droite), deux agents sportifs

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Agent sportif – « Un accompagnement qui doit être global et durable » – Partie I

« Il y a plusieurs aspects dans le métier d’agent sportif, mais pour moi, le plus important est l’accompagnement. Nous devons être en permanence en contact avec les joueurs, connaître leur état physique et surtout mental. »

C’est dans la perspective de faire connaître le métier d’agent sportif que nous avons rencontré Abasse Alhamidi (33 ans) et Nabil Ahmad (31 ans) de Qamar Sport Conseil, deux agents de joueurs franco-comoriens licenciés auprès de la Fédération Française de Football (FFF). Le premier a évolué en tant que cadre commercial et le second dans la finance. Tous les deux travaillent en binôme et exercent pleinement aujourd’hui leur activité d’agent sportif.

Bonjour, pourriez-vous nous faire part de vos parcours respectifs et nous présenter votre profession?

Nabil Ahmad (NA) : Je suis Agent de joueurs FFF depuis deux ans, ayant commencé ma carrière footballistique dès l’âge de huit ans sur l’île de la Réunion. Aujourd’hui, je suis complètement investi dans le monde du football en tant qu’agent. Notre projet a été lancé il y a trois ans, et l’obtention de la licence d’agent est essentielle pour posséder les compétences techniques et juridiques nécessaires afin de fournir les meilleurs conseils aux joueurs. Notre rôle consiste non seulement à les accompagner dans la signature de leur contrat, mais également à assurer une gestion de leur carrière et un suivi quotidien. Nous nous engageons à créer un environnement sain autour du joueur, étant donné que l’entourage est un élément clé dans son développement.

Abasse Alhamidi (AA) : Agent de joueurs FFF depuis trois ans, nous sommes présents sur les terrains français depuis cette période. Étant passionné de football depuis mon enfance, je me souviens encore de ce joueur qui m’a fait aimer ce sport fabuleux dans les années 90, Monsieur George Weah, ou plutôt Monsieur le Président Weah ! N’ayant pas toutes les qualités pour devenir joueur professionnel, j’ai toujours su que j’évoluerais dans ce milieu. Comme l’a bien décrit Nabil, notre rôle en tant qu’agents est d’accompagner les joueurs, mais aussi les familles des plus jeunes, en proposant un accompagnement global et durable en trois étapes : le lancement de la carrière, durant la carrière et la reconversion. En effet, nous voulons nous différencier en proposant un accompagnement global et durable.

Agent FFF mais pas Agent FIFA ?

AA : Suite à la circulaire 1417, la FIFA a décidé de ne plus réguler la profession d’agent au niveau international. Depuis le 1er Avril 2015, le terme « agent FIFA » a laissé place à « intermédiaire », sauf en France où la licence d’agent sportif FFF est maintenue. La France est le seul pays à protéger encore cette profession. Il est obligatoire de détenir une licence et le rôle d’intermédiaire est illégal. Cette disposition est d’ailleurs inscrite dans le Code du sport (article L222.7).

Nous avons obtenu notre licence suite à un examen en deux parties de la FFF. La première partie concerne le droit général, incluant le droit des contrats, le droit social, le droit de l’assurance, le droit fiscal, le droit des sociétés, le droit des associations et le droit du sport. Après avoir validé cette première partie, nous avons passé l’examen spécifique regroupant toutes les réglementations du football, y compris celles de la FIFA, de la FFF et de la LFP.

Pourquoi était-il important pour vous de passer l’examen de la FFF ?

Avoir cette licence nous a permis d’acquérir les connaissances fondamentales indispensables à l’exercice de ce métier au plus haut niveau. Les joueurs, les familles, les entraîneurs et les clubs attendent de nous que nous soyons compétents sur tous les aspects de leurs dossiers. C’est pourquoi il est crucial de maîtriser parfaitement les différentes réglementations. Il ne s’agit pas seulement de détecter des talents, ce que la plupart des intermédiaires peuvent faire. Notre particularité en tant qu’agent FFF réside dans notre maîtrise technique. Nous sommes conscients qu’une grande carrière se construit par étapes, et la première étape est l’obtention de la licence.

Pourriez-vous nous décrire brièvement la routine quotidienne d’un agent sportif ?

AA : Il y a plusieurs aspects dans le métier d’agent sportif, mais pour moi, le plus important est l’accompagnement. Nous devons être en permanence en contact avec les joueurs, connaître leur état physique et surtout mental. Il nous arrive régulièrement de faire des bilans afin de ne rien laisser au hasard. D’ailleurs, en tant qu’agent, il n’y a pas de place pour l’improvisation. Nous devons anticiper, être proactifs et éliminer tous les risques qui pourraient affecter la performance du joueur sur le terrain.

NA : Outre le suivi des joueurs, il y a également l’entretien et l’extension du réseau. Cela implique de maintenir des relations avec les clubs, d’échanger avec les acteurs du football et de rechercher des partenaires. En effet, nous collaborons avec des préparateurs physiques, des médecins du sport, des avocats, des nutritionnistes, des gestionnaires de patrimoine… Ce qui nous permet de répondre de manière plus adéquate aux besoins quotidiens des joueurs.

Pouvez-vous nous expliquer exactement le fonctionnement de votre activité ? Êtes-vous seulement deux ou y a-t-il d’autres personnes impliquées ?

NA : En tant qu’agents, nous travaillons la plupart du temps à deux. Nous avons des partenaires divers qui dépendent de nous. En ce qui concerne les réseaux purement footballistiques avec les clubs, nous sommes quasiment seuls.

AA : Nous développons des partenariats avec les recruteurs de clubs. Nous sommes en contact avec certains observateurs, entraîneurs et dirigeants de clubs amateurs qui nous présentent des joueurs et des futurs talents. Notre présence sur les terrains tous les weekends nous permet d’étendre notre réseau. Nous commençons à nous faire connaître et à rencontrer des personnes influentes.

Comment se sont passés vos débuts dans le milieu après l’obtention de vos licences ?

AA : Ce milieu s’est avéré être plus exigeant que nous ne l’avions envisagé. Nous avons dû consentir à des investissements conséquents pour développer notre activité. Nos débuts ont été difficiles en raison de la nature fermée de ce milieu où le réseau tient une place prépondérante. À titre indicatif, il y a environ 400 agents licenciés en France, dont je doute que la moitié soit en activité. La concurrence est rude dans cet environnement qui est souvent décrié.

Certaines personnes ont émis des jugements négatifs à notre encontre, sans nous connaître, en raison de la perception que les agents sont uniquement motivés par l’appât du gain. Face à cette situation, nous avons cherché à nous distinguer en mettant en avant notre éthique et nos valeurs.

NA : Il n’y a guère d’éléments à ajouter. Il est vrai que cela a été un parcours semé d’embûches, mais c’est une étape incontournable pour progresser. Nous poursuivons notre route et pour l’instant, notre aventure se déroule favorablement. Nous n’avons pas à nous plaindre, car nous aimons notre métier et c’est une expérience enrichissante, Alhamdoulillah.

Vous gérez combien de joueurs présentement ?

AA : Actuellement, nous gérons une dizaine de joueurs. Toutefois, la quantité de joueurs n’est pas notre priorité. Notre objectif est de trouver des joueurs de premier plan que nous pourrons accompagner pleinement, des joueurs ayant un fort potentiel pour une carrière professionnelle. Nous partons du principe qu’il est impossible de gérer efficacement un grand nombre de joueurs en même temps. Bien que certains de nos confrères le fassent, nous pensons que l’humain doit être au centre de notre projet, car chaque joueur est unique et mérite un accompagnement personnalisé.

NA : Nous ne cherchons pas à signer de nombreux joueurs, car cela ne correspond pas à notre philosophie. Pour nous, l’essentiel est d’avoir un bon ressenti avec le joueur ou sa famille. Il est difficile de s’engager dans un projet commun si nous n’avons pas la même vision du football. Nous sélectionnons minutieusement nos joueurs avant de prendre une décision. La reconnaissance dans ce milieu passe par la réussite de nos joueurs sur le terrain. Il est donc essentiel d’être avec les meilleurs dès le début et d’éviter les relations médiocres.

En plus de prodiguer des conseils et de suivre l’évolution sportive des joueurs, comment gérez-vous leur carrière ?

AA : Nous gérons également leur image publique. De nos jours, de nombreux clubs et annonceurs suivent les réseaux sociaux et les activités des sportifs en dehors du terrain. Nous avons donc la responsabilité de surveiller leur communication, même dans leur vie privée. On a connu des situations malheureuses récemment… et nous ne voulons pas que cela arrive à l’un de nos joueurs. Nous avons la capacité de négocier des contrats de sponsoring, donc l’image est primordiale.

Est-ce également le cas pour les plus jeunes joueurs?

AA: Tout à fait. Outre l’image, ces jeunes en centre de formation ont besoin de bénéficier des conseils d’un grand-frère pour les aider à surmonter les défis de l’adolescence. Certains d’entre eux n’ont que quinze ans, sont précocement confrontés au monde des adultes et sont livrés à eux-mêmes. Il incombe à nous de les préparer mentalement pour qu’ils soient réellement prêts. Surtout que la plupart d’entre eux n’ont jamais quitté le cocon familial ou leur quartier, ce qui constitue un véritable bouleversement. Le risque d’échec est non négligeable si les conseillers ne sont pas présents.

La gestion des joueurs varie-t-elle selon leur profil?

NA : Lorsqu’un joueur nous intéresse et que nous voyons en lui un profil intéressant, cela se fait naturellement. Cependant, il existe deux façons de travailler : la première consiste à travailler avec un joueur confirmé, la seconde à travailler avec un jeune joueur qui aspire à réussir. Dans le premier cas, il s’agit véritablement de gérer une carrière, tandis que dans le second, étant donné qu’il s’agit d’un joueur ayant un potentiel, cela nécessite un accompagnement quasi-quotidien et beaucoup d’investissements personnels.

Dans le cas du jeune joueur, il est essentiel de prendre en compte des aspects non liés au football, tels que la gestion de ses études. Bien que le football soit attractif, tant qu’un joueur n’a pas signé de contrat professionnel, il y a encore beaucoup à faire.

Propos recueillis par Boina Houssamdine.

Nous vous invitons à retrouver la Partie II de cette interview, abordant les thématiques suivantes : les transferts, l’échec sportif, leurs champs d’action à l’international ainsi que leur relation avec les Comores.

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Fondateur et Rédacteur en chef de Comoros Football 269. Un passionné de football africain et un éternel fan de Young Africans (Yanga). Entre le Taarab qui l'inspire et d’être possédé au moindre lyrics d'un Igwadu, il demeure au moins un Makua de culture Swahili.

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