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Armel Sylva, chargée du football féminin à la Fédération de Football des Comores

Football féminin

Armel Sylva : « Le foot féminin offre de nombreuses opportunités »

Ancienne joueuse, Armel a fait de sa passion pour le football un véritable engagement pour l’égalité des genres et l’éducation des jeunes filles. Son parcours l’a amenée à collaborer avec diverses ONG nationales, des organisations africaines et des institutions des Nations Unies, avant de prendre les rênes du football féminin aux Comores.

Armel Azihar Sly-vania, plus connue sous le nom d’Armel Sylva, incarne une nouvelle dynamique au sein de la Fédération de Football des Comores (FFC). À seulement 28 ans, cette ancienne joueuse de Club Maman, aujourd’hui Olympic de Moroni, assume depuis novembre 2023 le rôle de chargée du football féminin au sein de la fédération.

Le 4 mai dernier, en collaboration avec la FIFA, la FFC a dévoilé un plan stratégique ambitieux pour l’essor du football féminin. Dans cet entretien exclusif avec Comoros Football 269, elle détaille les axes majeurs de ce programme et expose sa vision pour l’avenir du sport qu’elle chérit tant.

Il y a deux semaines, vous avez lancé un plan stratégique pour le football féminin. Quels sont les axes principaux de ce programme ?

Armel Sylva : Le plan a été créé dans le but de promouvoir le football féminin aux Comores. Il comprend cinq axes principaux que nous aimerions mettre en place d’ici 2027. Premièrement, il y a la promotion du football féminin. Deuxièmement, il s’agit de favoriser l’accès au football de base. Troisièmement, il consiste à développer l’élite. Quatrièmement, il inclut le volet des infrastructures. Et enfin, cinquièmement, il concerne la gouvernance. Ce sont les cinq piliers qui définissent le plan stratégique pour le développement du football féminin aux Comores de 2024 à 2027.

Un tel programme demande un personnel entièrement dédié, pensez-vous pouvoir mener à bien ce projet ?

Nous souhaitons vraiment avoir un bilan positif d’ici les quatre prochaines années, mais pour y parvenir, nous devons mettre en place une structure de gouvernance bien définie. Actuellement, nous collaborons avec différentes entités telles que les ligues, les commissions régionales et nationales du football féminin, la direction technique, ainsi que des experts de la fédération et des professionnels des ressources humaines.

En tant que responsable du département de football féminin à la fédération, je m’efforce de travailler en collaboration avec ces différentes parties pour atteindre nos objectifs pour la période 2024-2027. Nous travaillons également sur la mise en place de la ligue entièrement féminine aux Comores d’ici septembre au plus tard.

Vous venez d’évoquer la création de la ligue féminine, actée lors de la dernière AG, en quoi consiste-t-elle et quel sera son mode de fonctionnement ?

Il est vrai que le football reste principalement amateur dans notre pays. Cependant, cette nouvelle ligue permettra d’organiser et de planifier efficacement les activités liées au football féminin. Actuellement, plusieurs personnes s’investissent déjà dans le développement du football féminin au sein de nos ligues existantes. Avec la mise en place de cette ligue nationale, seules les personnes dédiées à cette mission travailleront spécifiquement pour le football féminin.

Chaque île aura ses représentants, chargés de promouvoir et de développer de nouvelles stratégies pour stimuler cette discipline. La ligue deviendra également le siège du département de football féminin, où la responsable travaillera en étroite collaboration avec les acteurs pour dynamiser et promouvoir les activités liées au football féminin. Et ce sera vraiment une étape essentielle à franchir, ce sera un tournant.

Actuellement, il est essentiel de mettre en place une structure efficace pour le développement du football féminin. La création de cette ligue est un pas en avant, mais nous devons également viser le plus haut niveau et offrir des opportunités aux actrices du football féminin. Il est crucial de leur donner leur chance, de les valoriser et de médiatiser ce sport. C’est ainsi que nous pourrons le développer efficacement.

Vous évoquez souvent une barrière d’ordre sociologique et culturel pour la pratique du football féminin aux Comores. Comment allez-vous procéder pour susciter l’intérêt de la discipline ?

Étant d’un pays musulman très conservateur, il y a beaucoup à faire pour susciter l’intérêt des jeunes filles pour le football et leur offrir les plateformes nécessaires pour s’exprimer et s’épanouir dans ce domaine. Pour ce faire, nous envisageons d’organiser des tournées régionales ainsi que divers festivals grassroots dans les îles. Pour les tournées régionales, nous prévoyons d’aller dans les villages pour sensibiliser les parents et les enseignants religieux des écoles coraniques et des écoles modernes.

Nous souhaitons également inviter des figures du football féminin qui ont réussi, qu’elles aient joué dans des compétitions internationales, qu’elles soient devenues entraîneurs ou qu’elles aient saisi des opportunités grâce au football. Cette stratégie vise à inspirer les enfants et à montrer aux parents que le football ne mène pas leurs enfants sur de mauvaises voies, mais ouvre également des portes vers de nombreuses opportunités.

Parce qu’avant tout, nous devrons briser le tabou, encourager la société en général à être là, par exemple en organisant des matchs où il y aura des gens qui soutiendront les filles, qui les encourageront, et aussi où l’enfant jouera avec beaucoup d’envie et d’engouement. Parfois, tu joues, mais tu ne te donnes pas à fond parce que tu as peur de te blesser. Quand tu rentres à la maison blessé, tes parents pourraient te gronder ou même te punir. Nous devons promouvoir la liberté de jouer pleinement, de se donner à fond comme une passion, comme une profession que l’enfant veut suivre pour pouvoir atteindre ses objectifs.

Les plus jeunes occupent donc une place importante dans ce plan.

Effectivement. Il y a également une stratégie que nous aimerions utiliser : organiser des petits concours de football. Par exemple, en allant dans les écoles, en apportant cinq ballons, en faisant jouer les enfants, puis en leur donnant les ballons. Parce qu’il y a maintenant des enfants qui ont envie de jouer, mais leurs parents n’ont pas les moyens de leur acheter des ballons. Donc, nous allons essayer d’utiliser également cette stratégie pour faciliter l’accès aux jeunes, pour leur fournir les équipements nécessaires afin qu’ils puissent se donner à fond dans ce sport.

Le grand public a du mal à comprendre que le football féminin reçoive d’énormes financements pour peu d’activités. Comment expliquez-vous cela ?

Oui, tout à fait, le football féminin reçoit des fonds de la FIFA et de la CAF pour soutenir diverses activités, que ce soit la Coupe des Comores ou le championnat. Mais pour être honnête, ce n’est pas suffisant car nos équipes féminines manquent de ressources. Bien que la Fédération les accompagne, cette assistance reste insuffisante. En réalité, les fonds alloués ne suffisent pas à couvrir les besoins des clubs. Il est donc nécessaire de trouver d’autres moyens pour les équiper et faciliter leur fonctionnement. Par exemple, lors des matchs, les clubs reçoivent une contribution pour les frais de déplacement et de nourriture, mais cela reste insuffisant.

Il est nécessaire de développer une stratégie de marketing efficace et de trouver des sponsors ou des philanthropes passionnés de football pour soutenir les clubs. Prenez l’exemple de Saïd Ali Sultan (président de l’Olympic de Moroni, ndlr) : si chaque club avait quelqu’un comme lui, le football féminin bénéficierait d’une visibilité accrue. Nous avons besoin de ces personnes pour travailler avec nous et promouvoir le football féminin comorien.

24 équipes pour 590 joueuses licenciées et une seule division. Est-ce suffisant pour développer la discipline ?

Ce n’est pas du tout suffisant. Il y a beaucoup à faire pour renforcer les effectifs, comme encourager les clubs masculins à avoir des équipes féminines, voire même les obliger.

Comment alors rehausser le niveau et rendre le football féminin comorien plus compétitif ?

Dans cette perspective, nous envisageons de postuler à divers programmes de la FIFA et de la CAF. Je vais prendre un exemple. Je viens de postuler à un programme de développement de l’élite. Nous prévoyons d’introduire prochainement une nouvelle activité : un tournoi des As, réunissant les premiers et seconds de chaque île pour disputer cinq matchs et déterminer un vainqueur. Ce tournoi vise à accroître la compétitivité de notre championnat, étant donné que nous n’avons actuellement qu’une seule division. Son instauration serait un véritable catalyseur, incitant chaque équipe à viser la première ou la deuxième place pour pouvoir y participer.

Cette stratégie fait partie des approches que nous souhaitons adopter. De plus, nous avons l’intention de postuler à différents programmes de la FIFA afin de bénéficier d’un soutien technique ou de sponsoring. Il est également crucial de solliciter le soutien du gouvernement et d’approcher diverses personnes et institutions susceptibles de soutenir le football féminin. Pourquoi pas envisager un jour, par exemple, que Comores Télécom ou Telma devienne le sponsor officiel du championnat féminin.

Vous avez débuté des formations de cadres notamment des entraîneures et des arbitres, quels sont les objectifs fixés pour ce domaine dans le plan stratégique ?

Parmi les objectifs, il s’agit de renforcer les capacités des entraîneurs, des arbitres et des administratrices, ainsi que de toute personne militant ou travaillant pour le football féminin. Il est prévu d’organiser des ateliers parents-enfants, des campagnes de sensibilisation et des sessions de renforcement des capacités des administratrices. Des formations seront dispensées aux entraîneures, qu’il s’agisse de la licence D ou de la licence C. En août prochain, une formation pour la licence D, réservée aux femmes, sera initiée par la CAF. L’objectif est de former 30 entraîneures et 30 arbitres par an d’ici 2027, avec pour ambition d’avoir d’ici là une arbitre internationale et une détentrice de la licence B.

L’un des problèmes majeurs de la pratique du football féminin reste les infrastructures. De nombreuses joueuses se plaignent régulièrement de l’absence de vestiaires dans les stades et d’autres accommodations. En êtes-vous consciente de cette problématique ?

Effectivement, des projets sont prévus dans ce sens. D’ailleurs, dès la saison prochaine, nous souhaitons que les matchs du championnat féminin se jouent dans des stades offrant des conditions adéquates, incluant toutes les conditions nécessaires tant au niveau de l’aire de jeu que du vestiaire. Seuls ces stades devraient pouvoir accueillir les matchs de football féminin. Par exemple, à Ngazidja, nous aimerions que les matchs se déroulent soit au stade de Moroni, soit au stade de Maluzini, soit au stade de Mitsamihuli, soit au stade de Shamle.

Et qu’en est-il du développement du football de base et des jeunes ?

Parmi les résultats que nous aimerions obtenir d’ici les quatre prochaines années, il y a le maintien annuel de ces festivals de grassroots dans nos îles. Cela contribuera à stimuler l’intérêt des enfants pour le football. De plus, nous aimerions mettre en place trois compétitions de jeunes, notamment des compétitions U12, U15 et U17. Cela sera réalisable avec le soutien du ministère de l’Éducation, car nous savons que ces enfants fréquentent l’école. Si nous pouvons compter sur une forte attente et une collaboration efficace entre la fédération et le ministère de l’Éducation, je suis convaincue que nous pourrons atteindre nos objectifs.

Seulement 22 matchs joués pour l’équipe nationale A depuis 2006 et 17 matchs pour l’équipe U17 depuis 2019. Comment faire en sorte que les équipes nationales deviennent de plus en plus actives sur la scène internationale ?

Il est vraiment important de soulever cette question. Si l’on parle du développement du football féminin, des championnats, des coupes des Comores ou d’autres compétitions, c’est dans le but de pouvoir participer à des compétitions internationales, de représenter le pays et également d’en revenir avec de très bons résultats. C’est triste de constater que nous avons joué peu de matchs pendant des décennies, ce qui montre qu’il y a beaucoup à faire. En général, concernant le football féminin, nous savons très bien qu’il y a du pain sur la planche, et c’est pour cela que nous sommes là. Nous allons nous investir pleinement, travailler pour pouvoir progresser, pour pouvoir changer la donne.

À terme, nous souhaiterions que l’équipe A puisse disputer davantage de matchs amicaux et participer à des compétitions internationales. On souhaite à nouveau participer aux éliminatoires de la CAN féminine et atteindre le dernier carré de la Cosafa Women’s Cup. Récemment, nous avons reçu une proposition de l’île Maurice pour un match amical ici, aux Comores. Des études sont encore en cours pour organiser cet événement.

Le président est en accord avec les objectifs de la FIFA visant à ce que les équipes nationales disputent au moins quatre matchs par an. Cependant, nous sommes conscients des difficultés organisationnelles que cela représente. En tant que responsable du football féminin, nous allons exercer une pression là où c’est nécessaire, expliquer et montrer la voie à suivre.

Propos recueillis par Boina Houssamdine.

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Fondateur et Rédacteur en chef de Comoros Football 269. Un passionné de football africain et un éternel fan de Young Africans (Yanga). Entre le Taarab qui l'inspire et d’être possédé au moindre lyrics d'un Igwadu, il demeure au moins un Makua de culture Swahili.

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