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Ayouba Moussa, Directeur Technique National de la Fédération de Football des Comores (FFC)

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Ayouba Moussa : « Nous allons mettre en place 4 écoles pilotes »

À la tête de la Direction Technique Nationale (DTN) depuis le 1er février 2020, Ayouba Moussa revient sur ses deux années d’exercice et dévoile pour « Comoros Football 269 », son projet pour le football de base.

Début décembre, les scores fleuves enregistrés par les Cœlacanthes U17 au Cosafa Girls’ 2022 de la catégorie ont soulevé plusieurs interrogations. Notamment quelques-unes sur la politique de formation des jeunes aux Comores, longtemps reléguée au second plan. Le domaine de prédilection de la Direction Technique Nationale de la FFC, dirigée depuis deux ans par Ayouba Moussa.

En 2020, vous parliez de rebooster le football comorien à la base. Deux ans après, quel est l’état de votre politique de développement ?

En effet, lorsque j’ai pris mes fonctions, j’avais pour ambition de développer le football comorien à la base. J’ai mis en place un dispositif très important qui nécessitait de sillonner les trois îles pour faire un état des lieux. Cela a fait l’objet d’une étude que j’ai remise à l’époque au Comité de Normalisation. Malheureusement, c’était à la fin de leur mission et de la mienne également. Je n’étais pas en poste par la suite pendant six mois et cela ne fait qu’un an et demi que je suis revenu à la DTN. Le projet consiste dans un premier temps à mettre en place des écoles pilotes. Il a été soumis au nouveau Président et à son Comité Exécutif par la suite.

Au départ, il devait regrouper 50 écoles. Mais la FIFA, notre partenaire principal, nous a conseillé de les réduire car elles étaient beaucoup trop grandes. Nous sommes alors passés à 20 puis à 15 écoles avant de nous mettre d’accord sur 4 écoles pilotes réparties sur les trois îles. Ces dernières seront entièrement financées (via la FIFA, ndlr) et gérées par la Fédération à travers la DTN. Nous allons mettre en place des conditions au niveau médical et pour la formation des éducateurs. Chaque école disposera d’un encadrement technique et administratif. Un budget spécialement dédié à la détection des jeunes talents sera également compris dans ce projet. L’objectif à long terme est d’augmenter leur nombre petit à petit. Quant aux autres écoles non labellisées, nous allons tout de même leur apporter un accompagnement en matière de formation des éducateurs.

Depuis la fermeture de l’Académie Twamaya en 2017, un projet de réouverture est évoqué à chaque fois sans pour autant aboutir à quelque chose. Le centre va-t-il un jour rouvrir ses portes ?

Évidemment, qu’il va voir le jour. Le dossier avance bien. Un project manager a été nommé en la personne d’Alifeni Djamaleddine pour suivre tous les projets d’infrastructures de la Fédération, dont le Centre Technique National. C’est en très bonne voie. En tant que DTN, j’espère qu’il rouvrira rapidement pour qu’on puisse avoir des installations dignes de ce nom pour la formation comorienne. Nous pourrons ainsi avoir de bonnes bases pour travailler et un cadre idéal pour l’avenir de nos enfants. Mais à ce stade, je ne peux pas vous donner une date précise pour sa réouverture.

De mémoire, le centre comprendra un site d’hébergement deux étoiles et d’autres bâtiments, dont celui de la Direction Technique Nationale. Concernant l’aire de jeu, vous avez pu constater qu’une nouvelle pelouse dernière génération a été mise en place. Le processus est en cours avec des appels d’offres émis par la FIFA pour mener à bien ce projet. Beaucoup de contraintes seront résolues avec l’ouverture du centre. La formation évidemment, mais également les regroupements des équipes nationales de jeunes, l’organisation de séminaires et bien d’autres.

Cette année, deux écoles comoriennes ont pris part au premier Championnat Scolaire Africain de la CAF. Allez-vous également vous appuyer sur le football scolaire dans votre projet ? Si oui, de quelle manière ?

Tout d’abord, c’était une fierté personnelle et pour la Fédération d’avoir pu organiser le championnat scolaire au niveau national et présenter deux équipes (féminine et masculine, ndlr) à la phase zonale du Championnat Scolaire Africain. Nous avons effectué un travail en amont avec la DTN, avec un appui considérable de la CAF, et l’engouement était total au niveau des écoles. D’autres pays n’ont pas eu cette chance. J’aurais voulu surfer sur cette lancée et mettre officiellement en place un championnat scolaire dès cette année. Malheureusement, cela ne sera pas possible. Un tel projet demande une collaboration étroite et une symbiose avec différentes instances telles que le Ministère de l’Éducation nationale ainsi que le Ministère de la Jeunesse et des Sports.

Nous n’allons pas précipiter les choses. Beaucoup de facteurs entrent en jeu, dont son financement. Il y a déjà un projet commun, via la FIFA, avec la Fédération du Sport Scolaire. La DTN a également une collaboration saine avec les directeurs d’écoles. L’idée est d’avoir un championnat scolaire mixte ou séparé pour les filles et les garçons. Tout cela sous l’égide du Ministre de l’Éducation nationale. Nous espérons aboutir à une entente et prions pour que tout soit mis en place au plus tard en 2024. Le Comité Exécutif est sensible à ce projet, car nous pouvons gagner la confiance des parents. Ils seront rassurés de savoir que leurs enfants, surtout les filles, participent à des compétitions nationales et internationales, mais restent dans un milieu éducatif et sécurisé.

Il arrive souvent que l’on oublie que la formation concerne également le football féminin. Quels sont vos projets de développement dans ce domaine ?

Notre politique de développement du football de base comprend également le football féminin. Un séminaire sur le football féminin a été organisé en octobre dernier et plusieurs pistes ont été dégagées pour développer ce secteur, en priorité la formation des cadres. Les derniers résultats du Cosafa Girls’ U17 démontrent qu’il est impératif d’investir dans ce domaine. Nous sommes conscients que nous n’aurons pas les fruits de cette politique dès demain, il faudra être patients. Bien que culturellement il y ait encore quelques barrières, je pense que par le biais de l’Éducation nationale, nous pourrons travailler efficacement.

D’ailleurs, dans les quatre écoles pilotes, la labellisation est conditionnée par un critère de mixité. Nous voulons que des jeunes filles soient formées dans ces écoles et, plus tard, avoir des joueuses capables de rivaliser avec leurs homologues d’autres nations. Enfin, dans le cadre de mes déplacements sur le terrain, j’ai pu constater que certaines écoles de football sont mixtes, ce qui est bon signe. Il reste maintenant à créer un cadre propice pour que les filles puissent s’épanouir et à garantir leur sécurité. La FIFA insiste beaucoup sur ce point.

De nouvelles éducatrices pour la Licence D CAF
Formation de nouvelles éducatrices pour la Licence D CAF du 22 au 27 novembre 2022 à Moroni
Envisagez-vous, comme le font d’autres pays, d’ouvrir un ou plusieurs centres de formation exclusivement réservés aux jeunes filles ?

Pour l’instant, l’idée n’est pas d’ouvrir des centres exclusivement pour les femmes. Les moyens ne le permettent pas. L’idée est plutôt d’ouvrir des centres de formation régionaux mixtes et de leur accorder des créneaux horaires exclusifs. Cela signifie que lors de l’ouverture des quatre écoles pilotes « labellisées FFC » sur chaque île, il y aura un centre de formation. Ce dernier ne disposera pas de site d’hébergement mais de créneaux horaires d’entraînement pour les meilleurs de chaque île. Il y en aura jusqu’à quatre par semaine.

Une fois âgées de 15 ans, les meilleures jeunes de chaque île pourront alors intégrer le Centre Technique National à Mitsamihuli. Et tout comme les garçons, on prévoit d’organiser des stages de perfectionnement pour les femmes, allant de 5 à 10 jours. Elles resteront bien évidemment au centre, avec un encadrement exclusivement féminin. C’est ainsi que fonctionnera le centre Twamaya. L’idée est de ne pas retirer les jeunes des mains de leur famille trop tôt. Nous ne voulons pas refaire les mêmes erreurs qu’auparavant avec les garçons, car cela avait eu des conséquences négatives sur le comportement de certains pensionnaires.

Êtes-vous de ceux qui souhaiteraient qu’une équipe de D1 doive impérativement disposer d’au moins deux équipes de jeunes (filles et garçons) pour être éligible pour la saison ?

On est en train de mener une réflexion sur ce point au niveau de la DTN et dans l’administration. Ce serait bien de s’inspirer des bons exemples. Je ne prétends pas ramener ce qui se fait en France aux Comores, mais en principe, cette condition devrait être exigée. Malheureusement, certains clubs ne peuvent pas actuellement répondre à cette exigence. Les uns pour faute de moyens financiers et d’autres peut-être par négligence. Mais avant d’exiger quoi que ce soit des clubs de l’élite, il nous faut d’abord former les cadres. Et c’est ce que nous sommes en train de faire. En 2023, nous allons former 90 entraîneurs à la Licence C. Le changement passera par là.

Chez les garçons, il y a une tendance dans les équipes nationales de jeunes à dépendre davantage de la diaspora plutôt que de compter sur un vivier local. Trouvez-vous normal que les choses se passent ainsi ?

En tant que DTN, ma vocation est de développer le football sur le sol comorien. C’est ma mission. Mais que les choses soient claires. Loin de moi l’idée d’exclure des jeunes comoriens de la diaspora. Au contraire, ils sont les bienvenus. Mais notre politique doit tout d’abord se tourner un peu plus vers nos jeunes qui sont au pays. Nous avons depuis quelques années un championnat U15 et U17. Il nous faut maintenant redoubler d’efforts pour faire émerger des pépites locales pour nos équipes nationales dans toutes les catégories. Ce sera notre fierté. Il est primordial pour nous de mettre en place les conditions nécessaires afin d’avoir un produit local de qualité. La FIFA va nous épauler avec la mise en place bientôt d’un programme de détection des jeunes talents.

Pensez-vous que les championnats de jeunes tels qu’ils sont organisés actuellement sont en adéquation avec le modèle que vous aimeriez mettre en place ?

Pour l’instant, c’est la formule la plus simple à gérer. C’est la même qu’avec les équipes de D1, avec des championnats régionaux au niveau des îles, puis une phase nationale, avec également la même répartition. Mon souhait est d’augmenter le nombre de clubs dans les championnats U15 et U17. Malheureusement, cela n’est pas possible à ce stade, malgré les demandes, pour des raisons budgétaires. Nous espérons trouver dans les années à venir une formule adéquate avec une seule phase nationale qui regroupera les meilleures équipes.

La formation de base et le football des jeunes passent également par la formation des éducateurs et éducatrices. Quelle est votre feuille de route pour rattraper le retard des Comores dans ce domaine pour les années à venir ?

Il faut tout d’abord faire un petit rappel historique. De 2015 à 2019, la CAF avait arrêté ses programmes de formation pour une restructuration totale. Elle avait jugé ces derniers très pauvres en contenu. Ce n’est qu’après qu’elle a mis en place une convention pour encadrer les formations. Les associations membres doivent désormais répondre à 8 critères avant de bénéficier de cours de licences CAF. Parmi ces critères, une restructuration de la DTN est en cours.

À ce stade, nous avons lancé le processus de formation des cadres avec la Licence D pour les éducatrices, et dernièrement un cours d’instructeurs CAF. C’est une première aux Comores. Bientôt, auront lieu deux recyclages FIFA. Comme je l’ai déjà mentionné, 90 entraîneurs seront formés à la Licence C courant 2023-2024, ce qui nous permettra de répondre à un bon nombre de points dans la convention. Ensuite, il s’agira d’identifier des candidats potentiels pour la Licence B CAF. Le processus sera un peu long et complexe pour rattraper le retard, mais nous avons bon espoir.

Instructeurs CAF - Comores
Formations de nouveaux instructeurs CAF du 5 au 13 décembre 2022 à Moroni
Enfin, vous êtes actuellement le seul salarié de la DTN. Vous avez parlé d’une restructuration. Quels sont les postes essentiels qui sont à pourvoir ?

Il y a tout un organigramme à mettre en place au sein de la Direction Technique Nationale. La FIFA et la CAF ont formulé plusieurs recommandations allant dans ce sens. C’est ainsi que la Fédération a lancé un appel à candidatures pour le recrutement de plusieurs collaborateurs. D’abord trois Coordinateurs Techniques Régionaux, à raison d’un pour chaque île. Ensuite, un collaborateur pour s’occuper du football féminin et du football de base, un deuxième pour le football des jeunes et la détection des jeunes talents, et un troisième pour le développement du beach soccer, du futsal et des équipes nationales (hormis l’équipe A hommes, ndlr). Et si cela porte ses fruits – et je reste convaincu que ça sera le cas – le Président a promis d’augmenter plus tard le nombre de postes. Enfin, les nouveaux instructeurs CAF seront également incorporés dans l’organigramme.

Propos recueillis par Boina Houssamdine

Fondateur et Rédacteur en chef de Comoros Football 269. Un passionné de football africain et un éternel fan de Young Africans (Yanga). Entre le Taarab qui l'inspire et d’être possédé au moindre lyrics d'un Igwadu, il demeure au moins un Makua de culture Swahili.

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